— L’Homme de Vitruve
Métal soudé et silicone teinté dans la masse, 230X300X70 cm, 2011.
Exposé à l’occasion de l’exposition collective « Une vue d’urbanité », Hôtel du Département, Strasbourg 2011, à la Semencerie, Ateliers ouvert, Strasbourg 2014, à Pilsen capitale culturelle, République Tchèque, 2015, à l’Abbaye de Moncel, 2017.
L’homme de Vitruve
Le « De Architectura » de Vitruve (1er siècle av. JC), est le plus ancien traité d’architecture à nous être parvenu. L’auteur place l’Homme, le corps humain et sa proportion comme le principe fondateur de l’architecture et de ses ordres, de sa mesure, de ses rapports. Il place au cœur de la construction, un homme idéal, « aux proportions parfaites », lui même archétype de la perfection mathématique, de la géométrie simple qu’il porte en lui.
Par la suite Léonard de Vinci reprendra ces travaux qu’il traduira sous forme d’un dessin devenu célèbre. L’idée sera maintes fois reprise et déclinée à travers toute l’histoire. Un des derniers grands architectes théoriciens : Le Corbusier, s’attaquera à son tour à ce rapport : à la mesure, à l’homme et à ses proportions transposées au cœur de l’architecture, avec son désormais fameux Modulor.
Il est à chaque fois question de l’homme et de sa mesure placés comme la clé de voûte de l’architecture. Il ne s’agit pourtant pas de n’importe quel homme. Un homme idéal, aux proportions anatomiques parfaites. Mais qu’en est-il de la femme par exemple dont les proportions anatomiques sont sensiblement différentes de son homologue masculin ? L’archétype est bel et bien un homme, et un modèle blanc, européen. Qu’en est-il de l’infini diversité de l’espèce humaine ? Qu’en est-il de l’africain ou de l’asiatique ? Qu’en est-il du gros ou du petit, de l’enfant ou du vieillard, qu’en est-il de la différence, de l’infirmité ou de la difformité ?
La richesse et la puissance de l’humanité ne réside-t-elle pas justement dans cette somme d’imperfections, de défauts qui caractérise chacun d’entre nous, comme être unique et inimitable ?
Si il s’agissait de construire un modèle, une philosophie anthropo-centrée au cœur de l’architecture, ne faudrait-il pas davantage un archétype ouvert qui embrasse et accepte l’ensemble de ces différences plutôt qu’un idéal, sorte de super héro inaccessible, mathématiquement juste et ne correspondant finalement à personne ?
Cette sculpture tente de donner à voir ce questionnement sans pour autant y répondre. C’est une recherche exprimée au travers de la matière et en trois dimensions, une exploration plastique plus que scientifique de cette problématique.
Le modèle n’est pas un contour précis, il s’inscrit dans les trois dimensions et dans le temps. Il est façonné dans l’imperfection de la matière. Il est comme un flou de bouger en photographie. Il est monstrueux en ceci qu’il est mi femme, mi homme, qu’il est à la fois le grand et le petit, le gros et le maigre. Il se veut représentatif du vivant, de l’être humain de chair et de sang d’où son aspect à la manière d’un écorché d’anatomie.
Il est contemporain, technologique. Il s’inscrit dans une géométrie complexe, qui a depuis longtemps intégrée la relativité d’Einstein. Son squelette a été patronné à la main puis transposé numériquement pour être découpé dans l’acier au laser. La machine est désormais indissociable de l’être humain moderne. Sa musculature éclatée, souple et translucide, nous parle de l’être humain désormais transparent passé au scanner et au microscope électronique.
L’homme de Vitruve tente de remettre en question ce mythe fondateur de l’architecture, et de tâcher d’y apporter de nouvelles bases de réflexion.